Peu de réalisateurs savent aussi
bien que Tim Burton nous distraire, nous amuser, nous inquiéter, nous faire
rire, nous dépayser, nous émouvoir, nous faire rêver, nous effrayer, nous
redonner notre âme d’enfant, nous faire frissonner, nous angoisser, en deux mots
nous toucher.
Quand j’ai découvert ce superbe
livre au pied du sapin, j’ignorais alors que je serai encore plus enthousiasmé
par son contenu d’une incroyable richesse. Trois cent pages mêlant éléments
biographiques, confidences, regrets, réflexions sur son travail, analyses de
ses films, ses rapports avec les acteurs, avec les studios ou encore avec ses
parents, le tout avec sincérité et intelligence.
Dès la préface, le ton est donné.
Des deux préfaces pour être précis. La première date de 1994 et la seconde, de
la réédition de l’ouvrage en 2005. Elles sont signées de Johnny Depp, homme de
talent et acteur « Burtonien » emblématique s’il en est. La sincérité
et l’authenticité des rapports entre les deux hommes ne fait aucun doute. L’un
et l’autre se sont apportés énormément l’un à l’autre. L’émotion est palpable,
le ton est donné.
Tout au long de la lecture, au grès
de la chronologie de ses réalisations, on suit le fil des entretiens de Tim
Burton avec Mark Salisbury. Chaque film est traité de sa gestation à sa
réalisation. Le temps qui passe permet le recul indispensable, Burton le situe
à environ trois ans après la sortie du film.
Les échecs ou les semi-échecs ne sont pas occultés. Les rapports,
souvent conflictuels, avec les studios sont évoqués à de nombreuses reprises.
On sent qu’il n’est pas facile de garder la main sur son film même quand on s’appelle
Tim Burton. Les bras de fer sont nombreux et les concessions parfois
inévitables, raisons budgétaires et problèmes de faisabilité s’ajoutant parfois
aux contraintes précitées.
Burton parle vraiment de lui, son
enfance, ses rapports avec ses parents, son père notamment, sa farouche volonté
d’indépendance déjà, bien avant les studios. Son côté introverti n’est pas
occulté, gamin solitaire, secret, différent et se sentant différent des autres.
De la marginalité nait parfois le meilleur.
Son enfance à Burbank, ses
débuts chaotiques chez Disney, son amour des vieux films de série B, d’Ed Wood à
qui il rendra une gloire mondiale posthume, de Vincent Price, son idole qu’il
rencontrera et fera même tourner. Les tournages, justement, de préférence en
décors naturels ou reconstitués plutôt que sur fonds bleus ou verts, l’influence
de Ray Harryhausen, son attrait pour la technique image par image…
J’allais oublier de vous parler
des dessins qui agrémentent la lecture. Un petit dessin sur une feuille volante
est parfois le point de départ de toute l’aventure d’un film. Il est frappant
de voir à quel point dès ce moment-là, Burton a déjà la vision d’un personnage
ou d’une scène de son film. La similitude avec le résultat final est souvent
bluffante.
Profitant du regain d’intérêt
pour le cinéaste engendré par cette lecture et par le coffret DVD qui l’accompagnait,
je me suis revisionné Charlie et la
Chocolaterie, gourmandise sucrée, le sanguinolent Sweeney Todd, La Planète des
Singes, pas le meilleur c’est certain, l’onirique Big Fish et il me reste
encore Les Noces funèbres et Dark Shadows à redécouvrir pour mon plus grand
plaisir sous un nouvel éclairage.
Que vous soyez fan du travail de
Tim Burton, curieux d’en savoir plus sur le sens qu’il donne à ses différents
films ou que vous souhaitiez simplement en savoir un peu plus, c’est LE livre
qu’il vous faut.
Tout y est et plus encore, cet
ouvrage est une mine d’or.
Extraits:
"Tim est un artiste, un génie, un excentrique, un fou, et ami brillant,
courageux, drôle jusqu'à l'hystérie, loyal, non conformiste et franc du
collier. J'ai une dette immense envers lui, et je le respecte encore
plus que ces mots ne peuvent l'exprimer. Il est lui-même, et c'est tout.
Et il est, sans conteste, l'homme qui imite le mieux Sammy Davis Jr sur
cette planète."
Johnny Depp
"Ce qu'il possède en lui, c'est un don peu commun. Dire de lui que c'est
un réalisateur ne suffit pas. Le titre exceptionnel de "génie" lui sied
mieux, car il n'excelle pas seulement dans le cinéma mais aussi dans le
dessin, dans la photographie, dans le domaine des idées, de la pensée,
de la perspicacité."
Johnny Depp
Johnny Depp
"J'ai grandi en regardant Lon Chaney et Boris Karloff. Tu pouvais capter
une vraie liberté sous leur tonne de maquillage. On les voyait très
distinctement, contrairement à ce que proclament certaines personnes. Ça
libère un acteur d'être caché derrière un masque, il peut se montrer
différemment."
"Ce qui est intéressant dans la promiscuité lié au voisinage, c'est que
tout le monde connait tout le monde, sauf sur le plan de la sexualité où
tout reste enfoui. Il y a dans la banlieue une perversité à laquelle je
n'ai jamais été confronté quand j'étais enfant, mais que j'ai toujours
sentie de manière diffuse autour de moi."
"Je n'aime pas qu'on monte un film sur mon nom; je veux qu'on fasse un
film pour lui-même, c'est une entreprise trop lourde pour qu'on ne s'y
implique qu'à moitié. Le milieu d'Hollywood est très étrange: il est
composé de créatures marginales qui sont pourtant farouchement
conservatrices."
"J'aime les contes de fées parce qu'ils comportent des images extrêmes, mais aussi parce que leur signification est donnée à travers un filtre abstrait."
"De nombreuses personnes pensent que mes films ne reposent que sur leur seul esthétique, qu'ils sont fondés là-dessus. Ils n'arrivent pas à imaginer que tout ce que j'ai fait doit avoir une signification, ne serait-ce qu'à titre personnel et même si je suis le seul à la connaitre. Et plus les éléments sont absurdes et plus je dois être sûr de comprendre leur sens caché. Voilà pourquoi le cinéma nous fascine tant. Les films frappent à la porte de nos rêves et de notre subconscient."
"L'entrée de Tim Burton dans Roald Dahl est un mariage célébré au paradis de la créativité - la fusion de deux esprits jumeaux portant un même regard, sombre et macabre, sur le monde de l'enfance."
"J'ai moi-même porté tous les types d'appareils dentaires imaginables. Je garde le souvenir d'une expérience terriblement douloureuse et marginalisante. L'un d'eux, absolument gigantesque, faisait même le tour complet de ma tête ! Quand on me l'a installé, j'ai eu l'impression qu'on me le vissait dans le crâne. Et ça faisait atrocement mal, comme une migraine dans la bouche. Cet appareillage hideux sur ma tête était comme le symbole de mon sentiment d'exclusion. Je n'avais pas beaucoup d'amis, et je ne pouvais pas vraiment communiquer. Cet appareil dentaire matérialisait mon incapacité à établir le contact avec les autres [...].
Découvrez le billet convaincant de filou49 du blog Baz'art en cliquant ICI.
Une chronique très riche et intéressante, Bravo !.
RépondreSupprimerMais dis moi Tim Burton serait il passé devant Hitchcock sur le podium ?
Tu me prends pour un coeur d’artichaut toi ! ^^
SupprimerDe plus, je n'ai jamais aimé les classements de préférence, tu devrais le savoir...
merci beaucoup pour le lien...ah tu as du me trouver sur babelio vu le pseudo que j'ai :o)...ta chronique est encore bien plus complète et impressionnante que la mienne!!! bravo à toi pour un tel investissement!!
RépondreSupprimerOn va dire qu'elles se complètent ! ^^
SupprimerMerci à toi filou !
Je ne connais rien au cinéma, je n'ai jamais vu un film de Burton mais je veux bien croire que ce livre fut pour toi un magnifique cadeau de Noël.
RépondreSupprimerQuel dommage, tu loupes vraiment quelque chose ! Des atmosphères, des ambiances...
SupprimerCharlie et la chocolaterie d'après Roald Dahl, c'est un film super pour les enfants, je suis sûr qu'il plairait à tes filles.