Épic, mémorable, incroyable, invraisemblable, autant
d’adjectifs qui viennent à l’esprit quand on pense au tournage de Cléopâtre
de Joseph Mankiewicz. Et en lisant le livre d’Olivier Rajchman
aux Éditions Baker Street, on réalise que c’est encore plus inimaginable qu’on
le pensait.
Il y a bien sûr le cachet faramineux de son interprète
principale, Elizabeth Taylor qui réclama et obtint 1 million de dollars,
faisant d’elle la première actrice à obtenir une telle somme pour un rôle au
cinéma, somme bien plus importante au final vu tous les multiples avantages
qu’elle obtint en sus. Il y a bien entendu la fameuse et très commentée
histoire d’amour entre Richard Burton et Elizabeth Taylor
qui défraya longtemps la chronique. Les deux amants, mariés au moment de leur
rencontres, finirent par chacun divorcer, brisant ainsi deux ménages,
s’attirant l’opprobre des bien-pensants en général et du Vatican en
particulier. Il y a enfin ce tournage interminable s’étalant, sur plusieurs
années et qui, selon la légende, failli conduire la Fox à la ruine. Autant
d’éléments connus et souvent ressassés, pour ne pas dire déformés, pour peu
qu’on se soit un tant soit peu intéressé à ce film ou à son héroïne.
Là où l’auteur a fait fort, c’est en obtenant de la
petite fille de Mankiewicz les journaux intimes du réalisateur rédigés
pendant le tournage, une source incontestable et des impressions sur le vif qui
donnent une idée de l’ampleur de la tâche. Engagé au pied levé pour remplacer
un réalisateur incompétent, Mankiewicz faillit y laisser sa santé.
Il mena une lutte de tous les
instants aussi bien avec sa vedette, outre ses nombreux problèmes de santé, les
retards et exigences de Taylor dépassant parfois l’entendement,
qu’avec les studios qui avaient une idée bien différente du film qu’ils
attendaient.
"Elizabeth avait, certes, obtenu des privilèges exorbitants et certaines dérogations, parmi lesquelles un arrêt de travail les deux premiers jours de ses règles. Kenneth Haigh, qui jouait Brutus, se souvenait qu'"elle disait : "Si je dois incarner la plus belle femme du monde, je veux être à mon meilleur."" Pas dupe, Mankiewicz avait dans son bureau un calendrier affichant son cycle menstruel au sujet duquel il ne manquait pas de plaisanter : "Elizabeth, affirmait-il, est une candidate sérieuse u livre Guinness des records ; elle a ses règles toutes les semaines.""
Comment un projet d’une telle envergure pouvait-il être mené à terme alors que le tournage commença avant même que le film soit écrit ? Alors que Mankiewicz réécrivait la nuit, les scènes qu'il tournait le jour ? Alors qu’il rêvait d’en faire deux films et que les studios lui imposèrent de n’en faire qu’un seul ? La magie d’Hollywood me diriez-vous, plus sûrement la volonté farouche d’un homme à mener à bien la mission qui lui a été confiée…
"Elizabeth avait, certes, obtenu des privilèges exorbitants et certaines dérogations, parmi lesquelles un arrêt de travail les deux premiers jours de ses règles. Kenneth Haigh, qui jouait Brutus, se souvenait qu'"elle disait : "Si je dois incarner la plus belle femme du monde, je veux être à mon meilleur."" Pas dupe, Mankiewicz avait dans son bureau un calendrier affichant son cycle menstruel au sujet duquel il ne manquait pas de plaisanter : "Elizabeth, affirmait-il, est une candidate sérieuse u livre Guinness des records ; elle a ses règles toutes les semaines.""
Comment un projet d’une telle envergure pouvait-il être mené à terme alors que le tournage commença avant même que le film soit écrit ? Alors que Mankiewicz réécrivait la nuit, les scènes qu'il tournait le jour ? Alors qu’il rêvait d’en faire deux films et que les studios lui imposèrent de n’en faire qu’un seul ? La magie d’Hollywood me diriez-vous, plus sûrement la volonté farouche d’un homme à mener à bien la mission qui lui a été confiée…
Au-delà du tournage laborieux de Cléopâtre, ce
livre est aussi passionnant par le parallèle fait entre ce tournage et celui du
dernier film de Marylin Monroe, Something’s got to give. Taylor
est alors au sommet de sa gloire, elle impose sa loi, alors que Marylin
n’a plus vraiment la confiance de ses pairs. Alors que la Fox cède aux caprices
d’une Taylor toute puissante, elle choisit de licencier une Marylin
jugée ingérable et d’en faire un exemple. L’une est une comédienne
respectée, l’autre n’est pas vraiment prise au sérieux. L’une a tous les hommes
à ses pieds, l’autre est désormais rejetée de toute part. L’une est en pleine
ascension, l’autre en plein déclin. Marylin ne résistera plus très
longtemps aux impitoyables rouages de la machine hollywoodienne…
"Probablement maniaco-dépressive, Marylin craignait plus que tout d'être
atteinte un jour de schizophrénie. Cette maladie dont sa mère était
porteuse et qui l'en avait séparée. Peur d'enfant abandonnée, qui la
poursuivait et la faisait se réveiller, tremblante, certaines nuits."
Enfin, il y a le tournage du film Le Jour le plus
long, grand barnum là-aussi, avec un incroyable casting international, qui
fut mené d’une main de maître par Darryl F. Zanuck, réalisateur et
producteur. Je me suis dans un premier temps interrogé sur le rapport entre ce
tournage et les deux autres. Puis le lien se fait et la cohérence n’en devient
que plus évidente.
Hollywood ne répond plus, c’est une sidérante bataille d’egos
hypertrophiés, c’est la lutte permanente entre réalisateurs et producteurs,
entre visions artistiques et attentes commerciales, c’est aussi la fin d’une
époque qui s’annonce, celle des studios tout-puissants, celle de l’âge d’or
hollywoodien.
Au cas où vous n’auriez pas compris, j’ai
adoré !
Un grand merci aux Éditions Baker Street !
ISBN 978 2 917559 47 5
413 pages
2017
21 €