dimanche 31 mars 2019

La Faille du temps - Jeanette Winterson

Traduit de l'anglais par Céline Leroy


« Un soir après l’entrainement, ils eurent un rapport sexuel. C’était un cliché. Douche. Erection. Trois minutes de branlette. Pas de baiser. Mais le lendemain, Leo embrassa Xeno dans l’abri à vélo. Il l’embrasse et lui caressa le visage. Il essaya de dire quelque chose mais il ne savait pas quoi. Ce qui était typique de sa part. De toute façon, Xeno était un peu comme une fille, pensa Leo. » 

Passionnée par la pièce de Shakespeare, Le Conte d’hiver, Jeanette Winterson en fait ici une réinterprétation et nous en offre une version contemporaine.  N’ayant pas lu l’originale, je me suis donc lancé exempt de tout préjugé.

Cette histoire m’a particulièrement marqué par son triangle amoureux, à la fois classique et étonnant de modernité, formé par Léo, Xeno et Mimi. Deux garçons, une fille, trois possibilités. Mais une situation compliquée ne va pas sans complications. Alors quand la jalousie s’empare d’un des personnages, comme un cancer qui le ronge de l’intérieur, la spirale devient infernale. La partie la plus intéressante du roman à mon sens. Jalousie maladive pour ne pas dire folie, haine envers l’être autrefois aimé, amitié brisée et rejet d’un petit être qui n’a pas pourtant demandé à venir au monde…

Après un bond en avant dans le temps, on retrouve une jeune femme qui a été abandonnée bébé. Et si… 

« Le passé est une grenade qui n’explose que quand on la lance. » 

Après avoir adoré Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?, j’ai pris un immense plaisir à retrouver le style direct et plein d’humour de Jeanette Winterson. Une nouvelle tragédie qui, si elle n’est pas directement inspirée de sa vie cette fois, y trouve de nombreux échos : choix de vie, abandon, adoption, pardon. Si quelques longueurs auraient pu me perdre, elle a toujours su me rattraper au point que je replongerai sans hésiter dans La Faille du temps. 

« Ils reprirent leur marche. Ils parlèrent de la vie comme flux. Du vide. Et de l’illusion. De l’amour comme théorie entachée par la pratique. De l’amour comme pratique entachée par la théorie. Ils parlèrent de l’impossibilité du sexe. Le sexe était différent pour les hommes ? Avec des hommes ? Qu’est-ce que cela faisait de tomber amoureux ? De tomber en désamour ?
Et pourquoi est-ce qu’on tombe, d’abord ? »




ISBN 978 2 283 03208 4
320 pages
2019
22 €

jeudi 21 mars 2019

John Cassavetes - Sous la direction de Jean-François Jeunet


« Cassavetes avait horreur des clichés. C'est pourquoi, lorsqu'il avait l'impression que le public voyait dans ses films un contenu "réchauffé", il réécrivait certaines scènes pour les forcer à chercher au-delà du sens premier, à aller plus loin dans la réflexion et se libérer des émotions artificielles. » 

Quel plaisir de replonger dans l’univers de John Cassavetes grâce à ce livre !

Ouvrage critique consacré à travail de cinéaste de John Cassavetes, il regroupe 14 textes d’auteurs divers. Journalistes, critiques, auteurs, historiens du cinéma ou réalisateur comme Olivier Assayas et même un texte de Cassavetes lui-même parlant de son art.

Autant de regards et d’éclairages différents permettant d’aborder son travail, de donner envie de le découvrir ou de le redécouvrir dans mon cas.

Comme le raconte ici Mounir Allaoui, j’ai également découvert les films de Cassavetes à la faveur d’une rétrospective télévisuelle, sans doute au sortir de l’adolescence.

Je ne connaissais alors que John Cassavetes acteur. Guy Woodhouse, le mari de Mia Farrow dans le fameux Rosemary’s baby de Roman Polanski, c’est lui. Aux côté de Blythe Danner et Myrna Loy, Alex Benedict, chef d’orchestre assassin dans Symphonie en noir, très bon épisode de Columbo, c’est encore lui. Là, je sens que je perds les cinéphiles…

Mais si je parle de Columbo, dans lequel joua aussi Gena Rowlands son épouse, dans l’épisode Play Back, c’est pour en venir à Peter Falk qui comme Ben Gazzara ou Gena Rowlands fut l’un des acteurs fétiche de Cassavetes. Cette image du cinéaste faisant tourner ses proches, dans le cercle familial ou des amis intimes reste pour moi très ancrée à l’image du réalisateur. Et ce n’est pas un hasard si le couple répondit favorablement pour participer en guest à la série de leur fidèle ami.

Le réalisateur entretenait et favorisait un lien unique avec ses acteurs, au détriment de son équipe technique, leur laissant une grande liberté de jeu et dans l’art maitrisé de l’improvisation.

C’est donc armé de toutes nouvelles clés que je me suis replongé dans quelques-uns de ces films, ceux disponibles à la médiathèque pour être honnête, à savoir Shadows, Gloria, Une femme sous influence et Meurtre d’un bookmaker chinois. Je n’ai pas encore pu revoir Opening night qui est un de ceux qui m’avait le plus marqué, sans doute pour la performance de Gena Rowlands. 

John Cassavetes, c’est dans une certaine mesure la naissance du cinéma indépendant américain, loin des diktats des studios mais ce sont surtout de touchants portraits d’individus blessés par la vie et acculés par les événements : Cosmo Vitelli (Ben Gazzara) dans Meurtre d’un bookmaker chinois, Gloria Swenson dans Gloria,  Mabel Longhetti dans Une femme sous influence et Myrtle Gordon dans Opening Night, toutes interprétées par une incroyable Gena Rowlands. 

Plongez-vous dans ce livre, il est urgent, pour ne pas dire indispensable, de redécouvrir John Cassavetes !



Merci à Babelio et aux Éditions LettMotif !


Ouvrage collectif signé Odon Abbal, Olivier Assayas, Mounir Allaoui, Charles Beaud, Michel Butel, Ray Carney, John Cassavetes, Annick Delacroix, Pascal Gasquet, Stephane Eynard, Jean-Christophe HJ Martin, Pierre Pitiot, Stephen Sarrazin, Martin Valente sous la direction de Jean-François Jeunet.


ISBN 978 2 919070 12 1
155 pages
2014
18€

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