mercredi 29 janvier 2020

"Arrête avec tes mensonges" - Philippe Besson - Les blablas du weekend chez Nad & manU (9)


Comme tu le sais, j’ai lu ce livre à sa sortie. Je l’ai terminé les yeux humides tellement il m’a touché. Je n’ai pas réussi, enfin je devrais plutôt dire, je n’ai pas tenté d’en parler.

Trop d’émotions contradictoires, trop d’échos en moi et à ma propre histoire pour y parvenir sereinement. Alors ce Blabla, entre « toé pis moé », sans personne pour nous lire est idéal, non ? ;)

Pour ceux qui n’auraient pas lu ce livre, on va dire que c’est un roman en partie autobiographique sur un amour secret, à Barbezieux en Charente où Philippe Besson a passé sa jeunesse. Amour secret à plus d’un titre. Déjà parce qu’amour entre deux hommes, le genre d’amour dont on ne parlait pas à l’époque comme on en parle aujourd’hui même s’il reste encore beaucoup à faire. Ensuite parce l’homme aimé, un certain Thomas Andrieux, tenait à ce qu’il en soit ainsi, à prendre ou à laisser.

Sans trop en raconter, j’ai horreur de ça, c’est un roman qui parlera à beaucoup, l’auteur s’y entend pour mettre de l’émotion dans ses mots. Mais s’il est une chose dont je suis certain, c’est qu’il parlera encore davantage à tous ceux qui ont vécu ou vivent un amour qui doit rester secret ou qu’on préfère garder secret. Amour entre personnes du même sexe mais aussi liaison adultère qu’on doit garder pour soi afin de ne blesser personne. Un amour gardé secret est toujours à double tranchant. Il vous semble encore plus précieux mais tôt ou tard, il risque de finir pour vous étouffer et tout faire voler en éclat.

L’amour secret est sans doute le plus douloureux. Il nous pousse à franchir une zone inestimable, le mensonge. Celui que l’on impose à l’autre ou que l’on se fait imposer. Tôt ou tard, comme tu le dis si bien, la blessure survient, inévitable, manifestée par diverses émotions, la douleur de l’attente, celle du manque, de l’abandon, autant de sentiments qui ont habité l’auteur à travers les pages de son récit. Il faut cacher son bonheur, se cacher tout court, cacher son amour envers l’autre, « faire semblant », ne pas pouvoir se montrer ensemble. Car « les autres », eux, ont tous ces droits. Être heureux et le crier à la Terre entière…

J’ai été profondément touchée par l’humilité et la franchise de Philippe Besson. J’ai lu quelque part qu’à travers ce livre il s’ouvrait pour la première fois sur cet épisode marquant de sa vie. Il ressort de cette mise à nue des aveux qui ont dû lui demander un certain courage ou un courage certain… je me dis que le besoin de nous la raconter – son histoire – a dû être une forme d’exutoire, de libération.

Avoir 17 ans est difficile, avec toute cette charge émotive qu’elle contient déjà et qui demande une adaptation de tous les jours. Les questionnements, les hésitations, les dénis, les premiers touchers, les premières découvertes. Quand s’ajoute à cela un si grand secret, un si grand amour qu’on se doit de taire, à l’abri des regards, les bouleversements intérieurs doivent être parfois insupportables. Puis vient la violence des mots et des insultes, quand le doute s’installe autour d’eux et que ces gens tout autour n’ont rien compris des sentiments profonds qui habitaient ces deux hommes.

Le garçon sur la couverture du livre est beau. Il ne se doutait sans doute pas qu’un jour le silence se briserait. Et que notre auteur livrerait sur la page cet amour « interdit ». Mais quelque chose me dit qu’il en aurait peut-être été libéré lui aussi…

Que tu en parles bien ma sweet Nad et que ta conclusion est belle ! ♥

Le hasard a voulu que je rencontre et échange quelques mots avec Philippe Besson alors que nous venions de débuter ce blabla. Une rencontre dont je me souviendrai longtemps. J’ai même une photo floue en souvenir ! ;) L’occasion de lui dire à quel point son histoire m’a touché, d’évoquer avec lui le poids des secrets, parler à demi-mots et avoir la douce sensation de se sentir compris…



Rendez-vous dans quelques temps pour les prochains blablas de Nad & manU ! 

ISBN 9782260029885
198 pages
2017
18€

samedi 25 janvier 2020

Le Juke-box du samedi - Y'a Des Zazous [ Brigitte Fontaine & M ]



Dans ce duo, on ne sait pas trop qui est le yin, qui est le yang, mais y a des zazous ! Ce que l’on sait de source sûre, c’est que les réseaux du renseignement nous dissimulent une invasion de première importance : « y a des zazous partout ! » 

Un avis de recherche est même lancé tous azimut, pour retrouver les odieux responsables de cette épidémie, deux affreux démons de la zique, un tant soit peu désaxés, qui menacent de vous contaminer : Brigitte Fontaine-je-ne-boirai-pas-de-ton-eau et M-ton-prochain-comme-toi-même !

Préparez les antidotes, si vous ne voulez pas vous aussi devenir un zazou ! A contrario, si vous êtes un zozo plus zélé que les autres, je vous propose avec plaisir de réécouter ce morceau !

« Y a des Zazous dans mon quartier 
Moi je l'suis déjà à moitié 
Un de ces jours à votre tour 
Vous serez tous Zazous comme eux 
Car le Zazou c'est contagieux 
Ça commence par un tremblement 
Qui vous prend soudain brusquement 
Et puis on pousse des hurlements Ah ! 
Wa da la di dou da di dou la wa wa! »

 Brigitte Fontaine, M, Y'a Des Zazous (2001)
 

mercredi 22 janvier 2020

Une Année sans Cthulhu - Smolderen & Clerisse

"- Il suffit parfois de peu de choses pour réveiller un démon, Samuel. Le problème, c'est qu'on ne peut plus jamais le renfermer dans sa boîte..."

Dans le Lot des années 1980, un groupe d’adolescents tente de pimenter son quotidien avec un jeu de rôles : « l’appel de Cthulhu ». Tout droit sorti de l’imagination de Lovecraft, cette divinité aurait régné sur la terre avant l’arrivée de l’humanité. Exilé pour ses méfaits, il tente un retour en grâce. Il hante les rêves des humains les plus réceptifs, créant ainsi des adeptes prêts à toutes les extrémités, toutes les horreurs, tous les crimes…

Je ne connais pas l’univers de Lovecraft, je ne suis pas un adepte de science-fiction, mais je me suis laissé happer, par l’appel de Cthulhu, comme ensorcelé à mon tour, par un scénario bien ficelé, des dessins somptueux. 

En plus en tant que charentais bien chauvin, le dessinateur Alexandre Clerisse a fait ses classes à Angoulême, au Centre International de la Bande Dessinée et pour notre plus grand plaisir, il conjugue ses talents avec ceux du scénariste Thierry Smolderen. Quand on sait que ce dernier fut son professeur, ça ne manque pas de piquant ! 

Alors, à votre tour, venez-vous-y piquer !


Une BD découverte chez From the avenue !

ISBN 978 2205 07744 5
176 pages
2019
21€

lundi 20 janvier 2020

Miss Islande - Auður Ava Ólafsdóttir


Traduit de l'islandais par Eric Boury

"-Tu ne laisses rien affleurer à la surface. Quand on vit avec un volcan, on sait que les profondeurs bouillonnent de lave incandescente. Tu sais, Hekla, tu projettes d'énormes blocs de pierre dans toutes les directions... ils détruisent tout sur leur passage... tu es un rocher imprenable, un buisson de ronces... je ne compte pas pour moi..." 

Après Rosa Candida et L’Exception (<CLIC), c’est avec encore plus de plaisir que j’ai découvert Miss Islande. On y retrouve la plume toute en finesse et poésie de l’auteure à travers le destin d’Hekla, jeune femme qui un jour quitte la ferme familiale pour aller vivre à Reykjavík.

Sur place, elle retrouve Jon John, son ami d’enfance, une amitié amoureuse mais un amour impossible, ce dernier préfère les hommes. Il a d’ailleurs fui la campagne pensant vivre plus sereinement son homosexualité dans une grande ville mais les choses ne sont finalement pas si simples en ce début des années 60.

Hekla, elle, se rêve écrivain. Mais sur la place, en raison de sa grande beauté, ses rencontres de hasard la voient davantage dans le rôle de la future Miss Islande. « Sois belle et tais-toi ! » en gros. C’est sans compter sa détermination et son tempérament de feu, ce n’est pas pour rien qu’elle porte le nom d’un volcan, la grande passion de son père.

Les deux amis sont bouillonnants de créativité. La création est d’ailleurs au centre de cette histoire, qu’elle soit littéraire ou artistique. D’autres personnages sont habités par cette même passion dévorante, je vous laisse les découvrir.. Auður Ava Ólafsdóttir nous offre un magnifique roman féministe sur l’accomplissement et la quête de soi. À lire absolument.

"Tu n’es pas un écrivain d’aujourd’hui, Hekla, tu es un écrivain de demain. Ton père te l’a toujours dit, tu es née trop tôt."


Les avis de Krol et Dasola
Zulma
ISBN 978 2 84304 869 2
288 pages
2019
20,50€
 

samedi 18 janvier 2020

Le Juke-box du samedi - Lentement [ Bertrand Belin & Barbara Carlotti ]



Ces deux artistes ont une Voix avec un grand V, ils ont le même amour des Mots avec un grand M et ils sont tous les deux auteurs-compositeurs-interprètes, c’est à dire des Artistes avec un grand A.

Bertrand Belin est fils d’un pêcheur breton et Barbara Carlotti est d’ascendance corse. Lui a grandi à Quiberon, elle, à Clamart dans les Hauts de Seine. C’est lui qui a composé « Lentement ».

Quand ils chantent ensemble, c’est beau, original, profond. C’est lent, on prend le temps. On entend « lentement » des dizaines de référence : Queneau, Prévert, Bashung, Sylvestre

Ce duo n’est pas dénué d’une certaine délicatesse. Je vous vois d’ici dodeliner de la tête. Approbation ? Doute ? 

« Lentement », laissez-vous porter par la vraie musique : celle des mots !

« Notre-Dame en feu qui rougeoie dans la nuit, la vache
Le poing d'un mec saoul écrasé sur une bouche
Carton, citron, étron, pinçon
Coton, dindon, houblon, gazon
Avion, majesté, vitesse du son
Cette fois derrière le stade où tu as fait ta danse d'indien pour lui
Pour qu'il pleuve sur lui »


Bertrand Belin, Barbara Carlotti, Lentement (2019)

mercredi 15 janvier 2020

Judy Garland, splendeurs et chute d'une légende - Bertrand Tessier


"Toujours faire bonne figure. Toujours donner le change. La vérité des interviews n'est pas la vérité intime, même si l'on peut se brûler à les entremêler. Mais si la mère et la fille ont peu de choses en commun, si Ethel ne manifeste aucune tendresse à Judy et si elles ne parviennent pas à communiquer, il n'y a pas de conflits entre elles. Judy fait comme elle a toujours fait : elle obéit."

Quel destin que celui de Judy Garland !

Un destin qui montre à quel point tous ces enfants stars ont pu être pressés comme des citrons que ce soit par leurs familles ou par les studios, tout puissants à l’époque.

Dès son plus jeune âge, à 2 ans, elle débute sur scène avec ses sœurs, les Gumm Sisters, Gumm étant son véritable nom de famille. Ses parents, notamment sa mère, la poussent constamment sous les feux de la rampe, se négociant un salaire aussi souvent que possible. 

Judy Garland fut l’un des joyaux de la MGM, au cœur de succès mondiaux, éternelle Dorothy du Magicien d’Oz ou héroïne d’une série de films aux côté de Mickey Rooney. 

Louis B. Mayer, grand ponte de la MGM, la pousse toujours plus, pour en tirer toujours plus de profit, n’hésitant pas à lui faire prescrire toutes sortes de pilules, pour maigrir, pour dormir, pour être en forme, une addiction dont elle ne parviendra jamais à se défaire réellement. La MGM finira par rompre son contrat quand elle n’en tirera plus autant de bénéfices.

Il lui faudra des années pour se détacher de l’emprise familiale comme de celle des studios mais en sera-t-elle jamais réellement libérée ?...

De sa vie privée compliquée, elle se mariera à sept reprises, on retiendra surtout son union avec le réalisateur Vincente Minnelli. De cette union naitra son première enfant, Liza Minnelli, qui deviendra l’artiste qu’on connait. Mais comme le père de Judy Garland, Vincente Minnelli préférait les hommes et leur union ne fit pas long feu. De là vient peut-être la sympathie réciproque et l’amour que lui porte la communauté gay qui fit d’elle une icône.

Mais le plus incroyable, tout au long de cette biographie passionnante, c’est cette capacité à se relever encore et encore après ses nombreuses chutes tels un phénix renaissant chaque fois de ses cendres.

Tiraillées entre ses addictions aux drogues et à l’alcool, dévastée au point de multiplier les tentatives de suicide et pourtant toujours portée par l’amour du public ou par le besoin d’argent, elle réatteindra plusieurs fois les sommets avant de chuter à nouveau.

Une actrice que je connaissais finalement peu, à part son interprétation dans Le Magicien d’Oz et que j’ai pris un immense plaisir à découvrir sous la plume de Bertrand Tessier qui lui a également consacré un documentaire.


J’en termine en vous parlant du film qui lui est consacré et qui sort aujourd’hui* dans toutes les bonnes salles.

Sobrement intitulé Judy, il est réalisé par Rupert Goold. J’ai eu la chance de le voir en avant-première en novembre dernier et vraiment, Renée Zellweger offre une prestation tout bonnement bluffante ! Gestuelle, attitude, expression du visage, elle n’interprète pas, elle incarne Judy Garland. Le Golden Globe de la meilleure actrice qu’elle vient de recevoir est amplement mérité.

Le film se déroule en 1968, l’année avant sa disparition. Son retour sur scène à Londres est évidemment prétexte à de nombreux flashback sur son enfance et sa vie. Un excellent biopic que je vous conseille et qui vous donnera envie d’en savoir encore plus sur sa vie. La lecture de la biographie de Bertrand Tessier tombera alors à pic. 

Judy Garland, une légende à jamais au firmament des étoiles...


Merci aux Éditions l'Archipel !


* Le film est finalement sorti le 26/02/2020 !!

L'Archipel
ISBN 978 2 8098 2652 4
288 pages
2019
19€ 
 
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