« Le plus beau
regard d’Hollywood appartient à la France, c’est le regard de Louis
Jourdan… »
Lorsque l’année dernière j’ai eu
envie de regarder Lettre d’une inconnue
de Max Ophüls sur Arte, c’est avant
tout parce que c’est l’adaptation du livre de Stefan Zweig. Aux côté de Joan
Fontaine (la nouvelle épouse de Maxim de Winter dans Rebecca d’Hitchcock),
j’ai eu la surprise d’y découvrir un Louis
Jourdan vraiment convaincant. Je
n’avais qu’un vague souvenir de lui dans un épisode de Columbo et dans son rôle de méchant dans le 13ème James Bond, Octopussy.
Il faut dire que comme Claudette Colbert avant lui, Louis Jourdan fait partie de ces
français plus connus aux États-Unis que dans leur pays d’origine. Sa carrière
faite de hauts et de bas, sans doute plus de bas que de hauts d’ailleurs,
explique qu’il n’a pas durablement marqué les esprits, si ce n’est de quelques
cinéphiles. Avec ce livre, Olivier Minne,
qui l’a côtoyé les dernières années de sa vie, choisit de réparer cet oubli et
de le remettre en lumière.
Alternativement, il nous fait
partager ses rencontres avec le comédien, terré dans sa villa de Beverly Hills,
ainsi que le récit de son ascension dans la cité des anges. En filigranes, ce
sont les grandes années de l’âge d’or des principaux studios hollywoodiens qui
s’écoulent au fil des pages jusqu’à leur lente mais inexorable chute. Au choix,
on s’amusera ou s’indignera du pouvoir que ceux-ci exerçaient sur les comédiens.
En cela, toute la partie évoquant le fameux producteur David O’Selznic (le succès d’Autant
en emporte le vent, c’est en parti lui) dont Jourdan fut le poulain est édifiante.
Outre un réel talent de conteur, Olivier Minne a une vraie tendresse
pour son sujet qui transparait tout au long du livre sans pour autant occulter
la complexité du personnage. Celui qui fut élu « l’homme le plus
séduisant du monde », Jourdan
se révèle bien plus passionné par la littérature et par la musique qu’il ne l’a
jamais été par sa carrière. C’est d’ailleurs bien souvent sur les conseils de
sa femme (un sacré personnage cette Quique)
qu’il acceptait un rôle.
De plus, si le comédien se montre
volontiers cabot et parfois confondant de mauvaise foi, il nous régale de son
franc-parler quand il n’hésite pas à tacler ses partenaires de tournage. Outre ceux
dont il refuse carrément de parler, certains en prennent pour leur grade, notamment
Joan Fontaine «C’est bien simple, de toute façon personne ne la supportait. Même sa
sœur, Olivia de Havilland, la détestait », avec une mention
spéciale pour James Dean, « le petit imbécile » dont on sent une inimitié
encore bien vivace. Querelles d’égaux entre beaux gosses à l’avenir prometteur ?
Allez savoir…
« Il en va de l’amitié comme des jardins. Sans entretien, les herbes
folles envahissent l’ensemble et étouffent les essences les plus fragiles. »
Avec ce pavé de 600 pages à la
narration fluide et vraiment prenante, Olivier
Minne signe une biographie convaincante qui se dévore sans temps mort.
ISBN 978 2 84049 725 7
608 pages
2017
22,90€