Envie d’un voyage dépaysant dans
les Cornouailles sur les traces d’une célèbre romancière anglaise ? J’ai le
livre qu’il vous faut, Manderley for ever
de Tatiana de Rosnay.
Comme beaucoup de lecteurs, c’est
par Hitchcock que je suis venu à Daphné du Maurier. Le maître a adapté
trois de ses livres, L’Auberge de la
Jamaïque, Rebecca, deux romans, et
Les Oiseaux, une nouvelle. Des trois, je n’ai lu pour le moment que Rebecca dont j’ai adoré l’atmosphère
envoutante.
C’est donc avec enthousiasme que
j’ai découvert la vie de cette femme complexe au destin marqué par les passions
plurielles : pour l’écriture, pour les amours « vénitiennes » (référence au « code du Maurier » que je vous laisse le soin de
découvrir par vous-même) et pour les lieux qu’elle a habités. Ses deux
dernières passions ayant largement influé sur la première.
De son travail d’écrivain, j’ai
beaucoup apprécié la façon dont sont évoqués le processus de création, le
jaillissement d’une idée, le fameux vertige de la page blanche qui vous noue l’estomac,
la douleur quand l’inspiration ne vient pas, les périodes de sécheresse. On découvre
aussi tout ce qui dans son quotidien nourrit son écriture, notamment les
rencontres qu’elle a faites tout au long de sa vie.
Si elle a connu des histoires
d’amour avec des hommes et des femmes, certaines platoniques, comme avec la
femme de son éditeur américain, Ellen
Doubleday, d’autres un peu moins
comme avec la comédienne Gertrude Lawrence, Daphné du Maurier est restée toute sa vie mariée avec le même homme
jusqu’au décès de celui-ci. Une dualité qu’elle est sans doute parvenue à transcender
grâce à la part masculine en elle, un certain Eric Avon, le garçon qu’elle aurait aimé être, son « alter ego littéraire » qui a
d’ailleurs largement contribué à la genèse de certaines de ses œuvres. To bi or not to bi…
Ce qui surprend sans doute le
plus finalement, c’est ce lien si particulier qu’entretient Daphné du Maurier avec les différentes maisons
qu’elle a habité, source de bien être comme d’inspiration : Ferryside, Kilmarth
à la fin de sa vie, mais surtout Menabilly. Elle a un attachement viscéral, quasiment
fusionnel, avec Menabilly, celle qui a le plus compté et qui lui a inspiré
Manderley, la fameuse demeure au cœur de Rebecca,
son roman le plus célèbre. « Menabilly,
son Manderley à elle engendré du même terreau magique que le Pays Imaginaire de
l'oncle Jim, cet espace où elle ne va que seul et dont personne d'autre ne
possède la clé. »
Ce qui fait la force de cette
biographie, c’est aussi le regard d’un écrivain sur un autre écrivain. La passion de Tatiana de Rosnay pour son sujet est évidente et il est amusant de
constater les similitudes entre les deux femmes. Toutes deux ont des noms à particules, une double culture
et des origines franco-anglaises. Toutes deux sont romancières et auteurs
de biographies. Toutes deux ont signées des bestsellers. Toutes deux ont vu
certaines de leurs œuvres portées à l’écran...
Tatiana
de Rosnay redonne vie à Daphné du
Maurier dans cette biographie qui se dévore plus qu’elle ne se lit.
Manderley for ever, la biographie
passionnante d’une femme passionnée…
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Ferryside où elle a écrit ses premières histoires... |
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Kilmarth, sa dernière maison... |
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Avec ses trois enfants devant sa chère Menabilly... |
"Daphné comprend pourquoi son père aime tant devenir quelqu'un d'autre,
c'est vrai, c'est enivrant de revêtir un costume et de changer
d'apparence. Elle ne se sent plus timide du tout quand elle joue devant
les amis de ses parents. [...] Les invités applaudissent à tout rompre.
Et si, finalement, la vie, c'était de faire semblant ?"
"Est-ce de l'amour ? C'est de l'ordre du secret, du clandestin, du
cloisonné, des émotions intimes qui tourbillonnent à l'intérieur, un
courant puissant qui secoue en permanence, mais dont il ne faut rien
montrer en surface, ne rien dire, ne rien laisser filtrer, c'est dans
la veine troublante de ce qu'elle a vécu il y a quatre ans avec son
cousin Geoffrey et qu'elle n'a jamais oublié. Certaines filles sont
jalouses de sa complicité avec Melle Yvon, elle a remarqué ces regards
en biais, ces chuchotements, cette suspicion."
"Daphné hoche la tête, l'eau de rose ce n'est pas pour elle, ce qu'elle
veut, c'est que son lecteur soit saisit à la gorge, c'est ne jamais
laisser indifférent."
"La magie des livres est une drogue, un sortilège, une échappatoire,
aussi puissante, aussi envoûtante que le Pays Imaginaire de Peter Pan."
"Comment leur faire comprendre, à tous, sans les blesser, sans les
heurter, que sa priorité, ce n'est ni son enfant, ni son mariage, ni sa
mère, ni ses soeurs, c'est écrire ?"
"Daphné regarde les vagues se briser sur la falaise. Elle ouvre la
fenêtre, respire l'air salé de la mer. Cela lui fait du bien, quelques
instants. Mais la douleur revient, lancinante. Un romancier qui n'écrit
plus est une entité sans vie. Un mort vivant."
"Menabilly, son Manderley à elle engendré du même terreau magique que le
Pays Imaginaire de l'oncle Jim, cet espace où elle ne va que seul et
dont personne d'autre ne possède la clé."
Mon billet sur Rebecca, l'occasion de découvrir une photo de Manderley selon Hitchcock...
Une coédition
ISBN 978 2 226 31476 5
458 pages
2015
22,00€