dimanche 5 janvier 2014

Tim Burton - Entretiens avec Mark Salisbury




Peu de réalisateurs savent aussi bien que Tim Burton nous distraire, nous amuser, nous inquiéter, nous faire rire, nous dépayser, nous émouvoir, nous faire rêver, nous effrayer, nous redonner notre âme d’enfant, nous faire frissonner, nous angoisser, en deux mots nous toucher.

Quand j’ai découvert ce superbe livre au pied du sapin, j’ignorais alors que je serai encore plus enthousiasmé par son contenu d’une incroyable richesse. Trois cent pages mêlant éléments biographiques, confidences, regrets, réflexions sur son travail, analyses de ses films, ses rapports avec les acteurs, avec les studios ou encore avec ses parents, le tout avec sincérité et intelligence.

Dès la préface, le ton est donné. Des deux préfaces pour être précis. La première date de 1994 et la seconde, de la réédition de l’ouvrage en 2005. Elles sont signées de Johnny Depp, homme de talent et acteur « Burtonien » emblématique s’il en est. La sincérité et l’authenticité des rapports entre les deux hommes ne fait aucun doute. L’un et l’autre se sont apportés énormément l’un à l’autre. L’émotion est palpable, le ton est donné.

Tout au long de la lecture, au grès de la chronologie de ses réalisations, on suit le fil des entretiens de Tim Burton avec Mark Salisbury. Chaque film est traité de sa gestation à sa réalisation. Le temps qui passe permet le recul indispensable, Burton le situe à environ trois ans après la sortie du film.  Les échecs ou les semi-échecs ne sont pas occultés. Les rapports, souvent conflictuels, avec les studios sont évoqués à de nombreuses reprises. On sent qu’il n’est pas facile de garder la main sur son film même quand on s’appelle Tim Burton. Les bras de fer sont nombreux et les concessions parfois inévitables, raisons budgétaires et problèmes de faisabilité s’ajoutant parfois aux contraintes précitées.

Burton parle vraiment de lui, son enfance, ses rapports avec ses parents, son père notamment, sa farouche volonté d’indépendance déjà, bien avant les studios. Son côté introverti n’est pas occulté, gamin solitaire, secret, différent et se sentant différent des autres. De la marginalité nait parfois le meilleur.

Son enfance à Burbank, ses débuts chaotiques chez Disney, son amour des vieux films de série B, d’Ed Wood à qui il rendra une gloire mondiale posthume, de Vincent Price, son idole qu’il rencontrera et fera même tourner. Les tournages, justement, de préférence en décors naturels ou reconstitués plutôt que sur fonds bleus ou verts, l’influence de Ray Harryhausen, son attrait pour la technique image par image…

J’allais oublier de vous parler des dessins qui agrémentent la lecture. Un petit dessin sur une feuille volante est parfois le point de départ de toute l’aventure d’un film. Il est frappant de voir à quel point dès ce moment-là, Burton a déjà la vision d’un personnage ou d’une scène de son film. La similitude avec le résultat final est souvent bluffante.

Profitant du regain d’intérêt pour le cinéaste engendré par cette lecture et par le coffret DVD qui l’accompagnait, je me suis revisionné Charlie et la Chocolaterie, gourmandise sucrée, le sanguinolent Sweeney Todd, La Planète des Singes, pas le meilleur c’est certain, l’onirique Big Fish et il me reste encore Les Noces funèbres et Dark Shadows à redécouvrir pour mon plus grand plaisir sous un nouvel éclairage.

Que vous soyez fan du travail de Tim Burton, curieux d’en savoir plus sur le sens qu’il donne à ses différents films ou que vous souhaitiez simplement en savoir un peu plus, c’est LE livre qu’il vous faut.

Tout y est et plus encore, cet ouvrage est une mine d’or.




  
Extraits:

"Tim est un artiste, un génie, un excentrique, un fou, et ami brillant, courageux, drôle jusqu'à l'hystérie, loyal, non conformiste et franc du collier. J'ai une dette immense envers lui, et je le respecte encore plus que ces mots ne peuvent l'exprimer. Il est lui-même, et c'est tout. Et il est, sans conteste, l'homme qui imite le mieux Sammy Davis Jr sur cette planète."
Johnny Depp  

"Ce qu'il possède en lui, c'est un don peu commun. Dire de lui que c'est un réalisateur ne suffit pas. Le titre exceptionnel de "génie" lui sied mieux, car il n'excelle pas seulement dans le cinéma mais aussi dans le dessin, dans la photographie, dans le domaine des idées, de la pensée, de la perspicacité."
Johnny Depp


 "J'ai grandi en regardant Lon Chaney et Boris Karloff. Tu pouvais capter une vraie liberté sous leur tonne de maquillage. On les voyait très distinctement, contrairement à ce que proclament certaines personnes. Ça libère un acteur d'être caché derrière un masque, il peut se montrer différemment."

"Ce qui est intéressant dans la promiscuité lié au voisinage, c'est que tout le monde connait tout le monde, sauf sur le plan de la sexualité où tout reste enfoui. Il y a dans la banlieue une perversité à laquelle je n'ai jamais été confronté quand j'étais enfant, mais que j'ai toujours sentie de manière diffuse autour de moi."


"Je n'aime pas qu'on monte un film sur mon nom; je veux qu'on fasse un film pour lui-même, c'est une entreprise trop lourde pour qu'on ne s'y implique qu'à moitié. Le milieu d'Hollywood est très étrange: il est composé de créatures marginales qui sont pourtant farouchement conservatrices." 

"J'aime les contes de fées parce qu'ils comportent des images extrêmes, mais aussi parce que leur signification est donnée à travers un filtre abstrait." 


"De nombreuses personnes pensent que mes films ne reposent que sur leur seul esthétique, qu'ils sont fondés là-dessus. Ils n'arrivent pas à imaginer que tout ce que j'ai fait doit avoir une signification, ne serait-ce qu'à titre personnel et même si je suis le seul à la connaitre. Et plus les éléments sont absurdes et plus je dois être sûr de comprendre leur sens caché. Voilà pourquoi le cinéma nous fascine tant. Les films frappent à la porte de nos rêves et de notre subconscient."

"L'entrée de Tim Burton dans Roald Dahl est un mariage célébré au paradis de la créativité - la fusion de deux esprits jumeaux portant un même regard, sombre et macabre, sur le monde de l'enfance."


"J'ai moi-même porté tous les types d'appareils dentaires imaginables. Je garde le souvenir d'une expérience terriblement douloureuse et marginalisante. L'un d'eux, absolument gigantesque, faisait même le tour complet de ma tête ! Quand on me l'a installé, j'ai eu l'impression qu'on me le vissait dans le crâne. Et ça faisait atrocement mal, comme une migraine dans la bouche. Cet appareillage hideux sur ma tête était comme le symbole de mon sentiment d'exclusion. Je n'avais pas beaucoup d'amis, et je ne pouvais pas vraiment communiquer. Cet appareil dentaire matérialisait mon incapacité à établir le contact avec les autres [...].

     
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Sonatine
ISBN 978 2 35584 031 9
350 pages
2009

6 commentaires:

  1. Une chronique très riche et intéressante, Bravo !.

    Mais dis moi Tim Burton serait il passé devant Hitchcock sur le podium ?

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    1. Tu me prends pour un coeur d’artichaut toi ! ^^
      De plus, je n'ai jamais aimé les classements de préférence, tu devrais le savoir...

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  2. merci beaucoup pour le lien...ah tu as du me trouver sur babelio vu le pseudo que j'ai :o)...ta chronique est encore bien plus complète et impressionnante que la mienne!!! bravo à toi pour un tel investissement!!

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    1. On va dire qu'elles se complètent ! ^^
      Merci à toi filou !

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  3. Je ne connais rien au cinéma, je n'ai jamais vu un film de Burton mais je veux bien croire que ce livre fut pour toi un magnifique cadeau de Noël.

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    1. Quel dommage, tu loupes vraiment quelque chose ! Des atmosphères, des ambiances...
      Charlie et la chocolaterie d'après Roald Dahl, c'est un film super pour les enfants, je suis sûr qu'il plairait à tes filles.

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