mercredi 29 mai 2013

Le Meurtre de Roger Ackroyd

Agatha Christie

Le Livre de Poche N°617
ISBN 2 253 00696 3
253 pages
1926

(acheté dans un vide-grenier)


Quatrième de couverture:

Le Meurtre de Roger Ackroyd est le premier roman d'Agatha Christie publié en France.
Étrange et angoissant, c'est un chef-d’œuvre du roman policier.

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Mes impressions:

Je crois que je n’avais pas lu de roman d’Agatha Christie depuis le collège. C’était donc il y a au moins…bref, parlons d’autres chose ! Je me demandais si je n’allais pas trouver ça un peu surfait, un peu longuet et carrément soporifique. Eh bien non ! Dès les premières pages, j’ai été happé par l’intrigue. Pourtant, détail qui a son importance, je ne sais plus très bien par quel biais mais je connaissais l’identité du ou de la coupable. J’ai donc entamé la lecture de ce roman comme je me serai installé devant un épisode de Columbo, en connaissant le coupable mais en me demandant de quelle manière Hercule Poirot allait bien pouvoir s’y prendre pour le démasquer.



Le célèbre détective belge vient de prendre sa retraite dans la petite bourgade de King’s Abbot. Il compte y cultiver son jardin, ainsi qu’accessoirement des citrouilles. Suite au meurtre de Roger Ackroyd, un notable du cru, il est appelé à la rescousse. Comme souvent chez Agatha Christie, on retrouve une galerie de personnages plus ou moins stéréotypés, certains issus de la bonne société, d’autres espérant y accéder un jour, en passant par les domestiques ou le docteur du village.  Tous se retrouvent plus ou moins suspectés du meurtre du riche, obstiné mais surtout pingre Roger Ackroyd, sa belle-sœur et sa nièce Flora comprises. En l’absence d’Hastings, Poirot se fait assister dans sa tâche par le brave Docteur Sheppard qui se trouve également être le narrateur du récit. La sœur de ce dernier, Caroline, vieille demoiselle célibataire friande de récits policiers, n’est jamais avare d’une idée ou d’une piste, notamment grâce à son réseau de relations et à tous les ragots et commérages qu’elle ne se prive pas de recueillir. En cela, elle m’a un peu rappelé la Miss Marple du Miroir se brisa qui mène l’enquête sans quasiment sortir de chez elle.

Inutile de faire l’inventaire complet de tous les personnages du roman, autant vous laisser les découvrir. Pour ma part, je retiendrai surtout l’intrigue prenante au point que j’avais réellement du mal à me détacher de ma lecture et surtout le personnage de Poirot, absolument délectable, il est suffisant, arrogant, sûr de lui, pointilleux, parfois irritant mais tellement brillant, qu’on ne peut que l’adorer et se régaler à chacune de ses interventions.

Avec Le meurtre de Roger Ackroyd, la reine du crime nous rend accro !

Extraits:

"- Les femmes, affirma Poirot, sont merveilleuses; elles inventent et, par miracle, elles ont raison. En réalité, ce n'est pas tout à fait cela. Les femmes observent, sans s'en rendre compte, mille détails que leur subconscient coordonne. Elles appellent ensuite intuition le résultats de déductions qu'elles ignorent elles-mêmes. Je suis très fort en psychologie et, vous le voyez, je connais bien toutes ces choses.
Il gonfla la poitrine avec importance et me parut si ridicule que j'eus grand-peine à ne pas éclater de rire. Puis il but une gorgée de son chocolat et s'essuya la moustache."

"Un médecin sait toujours reconnaitre un mensonge." 



  Agatha Christie

jeudi 23 mai 2013

La Montagne Magique

Jirô Taniguchi

Casterman
ISBN 978 2 211 09290 6
71 pages
2007

(Lecture partagée avec Cristina)



Quatrième de couverture:

"Toute l'oeuvre de Taniguchi est imprégnée d'un appel à vivre avec un coeur pur et ceux qui l'aiment la lisent précisément pour cela : parce qu'elle permet d'entrer en contact avec le Petit Prince qui est en nous.
Les émotions incroyablement fortes qui naissent des histoires de Taniguchi redonnent confiance en la possibilité d'une humanité tendre et font à nos cœurs comme une enveloppe chaleureuse et ressourçante."
 

Stéphane et Muriel Barbery*
*Auteur de l'Élégance du hérisson, Gallimard, 2006

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Mes impressions:

Ken-Ichi, un jeune garçon, est confié à ses grands-parents avec sa sœur Sakiko. Leur mère doit être hospitalisée pour une grave maladie. Tout est préférable plutôt que se morfondre en repensant à son père défunt ou à sa mère qu’il craint de ne plus revoir elle non plus. L’été arrivé, quoi de plus dépaysant pour Ken-Ichi que de partir à l’aventure avec ses copains. La pêche aux écrevisses, prétexte à patauger dans le cours d’eau, laisse place à de secrètes excursions  sur la montagne qui domine Tottori. Il ne reste désormais plus que les ruines de l’ancien château qui la couronnait autrefois.

Cependant, une légende aussi intrigante qu’effrayante a un effet attractif incontrôlable sur les jeunes esprits avides de sensations fortes. On raconte que les grottes et souterrains qui lui dévorent les entrailles abriteraient une « sorcière ventouse » qui se nourrirait de jeunes enfants à la chair tendre… On dit même que la montagne aurait grondé et bougé, le jour où la municipalité ce serait décidée à y faire quelques travaux d’aménagements pour le tourisme…

Après la frayeur provoquée par l’exploration des premiers mètres d’une galerie, la présence de la sorcière s’étant fait ressentir ou était-ce tout bonnement la fertile imagination des juvéniles explorateurs, une averse va conduire Ken-Ichi à s’abriter dans un vieil édifice colonial abritant un musée du folklore régional. Un endroit assurément plus paisible mais non moins propice à l’imagination. Pour preuve, une sorte d’énorme salamandre va s’adresser à lui. Elle l’attend depuis dix ans, il a été choisi !

L’histoire ne fait que commencer.

C’est suite à sa découverte des « mangas étrangers », dans un premier temps les comics américains puis plus particulièrement la bande dessinée européenne, qu’est venue à Jiro Taniguchi l’envie d’abord et l’idée ensuite de La Montagne Magique. Cette montagne possède indéniablement un terreau fertile à l’imagination et nous replonge dans nos années de jeunesse quand le moindre début de grottes, la moindre vieille ruine recouverte de lierres et de ronces nous donnaient des ailes et des allures d’aventuriers qu’aucun danger ne pourrait jamais faire reculer. Un dessin sobre et touchant  au service d’un univers éminemment poétique et fantasmagorique qui ne manquera pas de vous transporter si vous avez su garder votre âme d’enfant.

La Montagne Magique de Taniguchi, évasion réussie…


 Jirô Taniguchi  

jeudi 16 mai 2013

L'amour, Béatrice

Janine Boissard

Livre de Poche
ISBN 2 253 06014 3
250 pages
1991

(échangé via www.pochetroc.fr)


Quatrième de couverture: 

"Madame, je crois aux rencontres. Je crois que dans la vie, la seule source de vraie joie se trouve dans le contact avec d'autres êtres, comme nous tous solitaires... C'est pourquoi me voici."  
   Ce mot d'un inconnu, trouvé un matin dans sa boîte à lettres, va changer la vie de Béatrice. Peu à peu, elle va livrer son âme à celui qui signe Jean et qui, pour de mystérieuses raisons, souhaite rester dans l'ombre. 
   Dès lors, le suspense se mêle à l'intrigue sentimentale, avec la sensibilité aux problèmes d'aujourd'hui qui a fait le très grand succès de L'esprit de famille.


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Ma lettre:

Les Roches, le 16 mai 2013

Chère Béatrice,

Je viens de refermer le récit de votre renaissance. Un épisode de votre vie qui m’aura permis finalement de la découvrir dans son entièreté. Essentiellement à travers vos échanges avec ce Jean, cet individu qui vous a un jour contactée par lettre, après vous avoir entendue et vue à un congrès sur l’enfance maltraitée.  Etonnante entrée en matière, mais il est des fois ou le cœur parle avant que la raison ne le refrène. Et c’est sans doute mieux ainsi.

Comme j’ai souffert pour vous, épouse dévouée, soumise, femme étouffée, enfermée dans sa cage dorée, tel un oiseau rare, que l’on exhibe fièrement pour mieux l’oublier l’instant d’après et le laisser se faner, se dessécher, se déliter… Certaines femmes préfèrent rester enfermées dans cette vie rassurante même si elles se défendent du contraire. Les mots et les larmes disent une chose et les actes, leur contraire.

Heureusement Camille, votre fille, la pétillante Camomille, était là pour donner un sens à votre vie. Et puis, bien sûr, il y avait votre association, devenue indispensable à votre existence. Freud disait qu’on ne donne pas sans recevoir, votre activité bénévole vous en a fait prendre pleinement conscience. Encore une des choses que Francis, votre mari, ne pouvait pas comprendre. Pour lui, le bonheur matériel, l’argent, la position sociale qu’il vous offrait, tout cela aurait dû vous suffire. C’était également l’avis de votre mère et vous en avez chèrement payé le prix…

Ce que Jean vous a offert, à travers vos correspondances, j’ai l’impression que personne encore ne vous l’avait offert, un précieux cadeau, une écoute. Nous avons tous envie et besoin d’être écouté. En vous sentant écoutée, vous vous êtes enfin sentie exister, vous avez repris vie, repris pied et telle une belle plante, vous vous êtes épanouie. Enjouée, lumineuse, souriante, Francis n’a pas tardé à constater le changement et à comprendre que quelque chose se passait. Et pour la première fois, vous avez résisté à sa volonté. Vous n’étiez plus uniquement sa femme mais enfin devenu une femme, libre, volontaire et indépendante. Vous étiez enfin devenue vous-même. Après toutes ces années, il était plus que temps.

Plus votre correspondance s’étoffait, plus j’ai eu du mal à comprendre pourquoi Jean semblait si peu empressé à l’idée d’une rencontre. Puis tout s’est éclairé. J’ai compris ses réticences, ses doutes et ses questions bien légitimes en pareilles circonstances. Loin du récit d’échanges un peu terne et sans surprise que j’avais imaginé,  les révélations se sont enchaînées, tout s’est clarifié et je n’avais rien vu venir, la surprise n’en fut que plus savoureuse. Le poids des secrets fait souvent des ravages mais vous vous êtes relevée et je crois que vous vous en êtes plutôt bien sortie finalement.

Je vous souhaite donc d’être pleinement heureuse dans votre nouvelle existence et surtout n’oubliez jamais que rien n’est plus important que la vie, rien n’est plus important que l’amour, Béatrice.

Emmanuel

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Extraits:

"Le restaurant, je redoutais un peu ! Vous est-il arrivé, Jean, d'y voir un homme et une femme, assis l'un en face de l'autre, prenant leur repas sans se regarder, presque sans s'adresser la parole ? C'est nous ! A mes misérables efforts de conversation, Francis ne répond que par monosyllabes, je n'ose jeter un regard vers les autres tables, j'ai honte."

"Confier pour l'adoption un enfant dont on sait qu'on ne pourra le rendre heureux est un acte d'amour [...]."

"La fidélité n'est pas l'absence de désir mais le refus de le concrétiser."

"Alors quand les imbéciles qui n'y comprennent rien me disent en faisant les gros yeux: "Vous avez abandonné votre enfant", moi, je leur réponds qu'il y a "donné" dans abandonné et que l'amour ça peut être aussi de se priver de quelqu'un [...]."

mardi 14 mai 2013

Suicide Island - Tome 4

Kouji Mori

Kazé Éditions
ISBN 978 2 82030 490 2
208 pages
2012

(acheté Espace Culturel Leclerc)



Quatrième de couverture:

Dans leur tentative de fuir sur un radeau  cette île de la folie, Ryô et ses compagnons sont interceptés par les gardes-côtes qui n'hésitent pas à ouvrir le feu sur eux. Les quelques rescapés qui ont réussi à échouer sur l’île racontent aux autres l'enfer qu'ils ont vécu… Alors que la tension monte au sein des différents groupes et que les disputes pour la nourriture deviennent de plus en plus fréquentes, Sei décide de repartir chasser dans la montagne. Mais cette fois-ci, un groupe d’individus menaçants se met sur ses traces avec l’intention de prendre sur son cadavre le fruit de sa chasse !


Mes impressions: 
A la fin du tome précédent, certains exilés involontaires entrainés par Ryo ont quitté Suicide Island sur un radeau de fortune, qu’ils ont construits eux-mêmes, dans le but de regagner le continent. Ceci en dépit des mises en garde du gouvernement japonais sur une pancarte sur l’île : "Vous n’êtes pas autorisés à entrer dans la zone maritime située au-delà d’un périmètre d’un kilomètre. Franchir cette limite constitue une violation des eaux territoriales. Et nous ne garantissons pas la survie de ceux qui s’y essaieront." Arrivé à la limite des eaux territoriales, après quelques somations, le bateau des gardes-côtes leur a foncé dessus avant d’ouvrir le feu et de leur intimer l’ordre de repartir sur l’île. Seuls quelques rescapés ont survécu dont Ryo, leur leader, et ont réussi à regagner les côtes sur des débris flottants. Pour tous, le constat est rude, il semble bien qu’ils soient condamnés à finir leurs jours sur Suicide Island…
Pas le temps de se morfondre, tous doivent faire face à une menace immédiate, une bande de types agressifs qui leur vole de la nourriture pour éviter de se fatiguer à en trouver. Le manque de vivres  provocant de graves dissensions et des actes de violences, Sei, le héros de l’histoire, qui s’est précédemment essayé à la chasse avec succès décide de repartir dans la montagne avec son chien Ikiru en quête de gibiers, des cerfs essentiellement.
Seulement Sei va se retrouver avec la bande à ses trousses et rien ne va se passer comme prévu. Certains vont s’en mordre les doigts, d’autres effectuer une sorte de repenti… Sei va légitimement encore se poser toutes sortes de questions sur le sens de la vie, de la sienne en particuliers, sur la facilité à ôter la vie quand sa propre vie est en danger. De plus, le groupe est fortement perturbé par l’attitude Ryo qui ne semble plus le même depuis son retour forcé sur l’île et reste plutôt à l’écart.
La route est parfois bien longue avant de trouver un sens au chemin…
Ce quatrième opus est beaucoup plus dense que le précédent quasiment essentiellement basé sur la traque de Sei. Tous les personnages interviennent, même brièvement, et d’autres font leur apparition et créent la confusion dans cette microsociété à la stabilité plus que précaire. Mais ne dit-on pas que les épreuves rendent plus forts et permettent de renforcer la cohésion d’un groupe ?
Et si Suicide Island était finalement Survie Island ?...

Citations:
"Je vais apprendre à vivre avec cette île...avec cette forêt...avec la mer. J'ai décidé de vivre..."
"Les humains...sont tous différents. Il y a ceux qui ne changent pas...ceux qui refusent de changer...ceux qui regardent devant eux et ceux qui en sont incapables... Mais ici, sur cette île pour suicidaires, ceux qui ne changent et qui vivent dans le passé...ne peuvent échapper à la mort..." 
"Lorsque l'on veut changer, il vaut parfois mieux se défaire de de ce que l'on a déjà plutôt que d'essayer d'obtenir quelque chose de nouveau. Cela permet de retrouver une certaine liberté." 
                                                                                                                                                                                Kouji Mori



samedi 11 mai 2013

Calvin et Hobbes 3 - On est fait comme des rats !

Bill Watterson

Éditions Hors Collection
ISBN 2 258 03486 8
64 pages
1993






Mes impressions: 

Deuxième incursion pour moi dans l’univers de Calvin la terreur et de Hobbes, son drôle de tigre et je dois bien admettre que je me suis encore vraiment amusé.

Fidèle à lui-même, Calvin n’en loupe pas une pour notre plus grand plaisir. Que ce soit dans ces rapports houleux avec Hobbes, son tigre en peluche, qui n’est réel qu’à ses yeux, avec Rosaline, sa baby-sitter au bord de la crise de nerfs, ou avec ses parents, qu’il harcèle de questions, Calvin est plus déchainé que jamais et nous amuse d’autant plus.

Il s’interroge parfois sur le sens de la vie "Pourquoi sommes-nous là ? […] je veux dire ici, sur terre ?". Sa vision des vacances au camping "Je déteste le camping ! Se battre contre les moustiques, dormir sur des cailloux, se geler, manger des boites de conserve, et être privé de télé, pendant une semaine, pour moi c’est pas ça s’amuser !" et celle du samedi "le meilleur jour de la semaine. Aucune contrainte ! Une liberté totale ! Toute la journée s’offre à nous, avec ses opportunités illimitées. Et le meilleur moyen de les apprécier, c’est de les gaspiller en regardant la télé toute la journée !" donnent à elles seules un aperçu du personnage… 

Toujours plein de ressources et avec une imagination plus que fertile dans ses jeux, Calvin endosse tous les rôles avec la même facilité. Tantôt dinosaure, tantôt éléphant ou mouche, tantôt spationaute, tantôt Frankenstein ou encore pilote de ligne aux commandes d’un appareil en péril, il nous amuse mais c’est dans son rôle de garnement plein de candeur qu’on le préfère et qu’il nous désarçonne.

Ses réflexions toujours brutalement assenées, ses manœuvres faussement naïves pour parvenir à ses fins ou tout simplement ses réactions d’enfants pleines de bon sens sont absolument jubilatoires et rendent encore plus attendrissant cet adorable chenapan.

Calvin et Hobbes, on est fait comme des rats ! Une fois ouvert, on ne le lâche pas !




 
           "Des fois, je me dis que la preuve qu'il y a des êtres intelligents ailleurs que sur la terre
                                                  et qu'ils n'ont pas essayé de nous contacter."


Citation:

"- Hé, maman, on peut manger des hamburgers ce soir ?
 - Pas ce soir chéri.
 - Allez ! Pourquoi ?
 - Parce que j'ai déjà préparé le diner.
 - Oui... Justement."
 

vendredi 10 mai 2013

Les Folies Bergère

Porcel & Zidrou

Éditions Dargaud
ISBN 978 2 5050 1390 7
92 pages
2012

(Offert)


Quatrième de couverture:

"A la fin de la guerre - parce que faudra bien
 qu'elle se termine un jour, hein ! - on s'est tous juré 
d'aller fêter ça aux Folies Bergère, à Paris.
C'est pour ça le nom."

Mes impressions: 

1918. Sur le front, la guerre des tranchées fait rage. Les deux camps sont positionnés face à face, terrés dans des tranchées boueuses, parfois à quelques dizaines de mètres les uns des autres. Le conflit dure depuis maintenant quatre longues années et semblent ne jamais devoir finir. Ajoutés à cela, la faim, la fatigue, et l’odeur pestilentielle, l’odeur de la charogne, l’odeur de la mort, les cœurs sont meurtris, les nerfs sont à vifs.

Au cœur de toutes cette folie meurtrière, la violence et l’antisémitisme ne sont pas toujours là où on les attend, trois soldats vont d’ailleurs en faire les frais, comme de misérables traitres, trois soldats ou presque. Quand chaque minute vous confronte à l'insoutenable, la terreur, la mort, c’est parfois un petit rien qui vous fait disjoncter et commettre l’irréparable. Le regard de vos enfants qui vous manque, le contact de la peau d’une femme, son odeur, son amour…

Pour surmonter l’horreur du quotidien dans ce cloaque, les soldats se sont inventés une échappatoire. Ils s’imaginent aux Folies Bergère, nom duquel ils ont rebaptisé leur compagnie, dansent même parfois avec un mannequin de fortune mais surtout pensent à l’après-guerre, quand ils s’y retrouveront tous ensemble, à regarder virevolter les jupons froufroutants dévoilant des cuisses forcément légères. Quand tout ce carnage ne sera plus qu’un lointain souvenir... Un peu de la même manière, quand vient l’heure du repas, on imagine des repas de fêtes, histoire d’arriver à faire passer l’immonde magma nauséabond qui tient lieu de repas. Essayer de ne pas perdre pied en s’accrochant au passé, à sa vie d’avant et à sa vie d’après qu’on fantasme forcément. Fantasmes et réalité finissent parfois par se mêler, s’entremêler, jusqu’à se confondre, tout se mélange, tout s’assombrit, jusqu’à la folie…

Du gris, du brun, du noir, un peu de rouge, forcément, un album sombre, noir, aux couleurs de la boue, aux couleurs des ténèbres, aux couleurs du sang, aux couleurs de la mort, aux couleurs de la guerre… Paradoxalement, dans toute cette noirceur, les quelques respirations bienvenues sont apportées par Monet, peintre de la couleur mais surtout de la lumière…

Une plongée suffocante dans le quotidien infernal des soldats de la 17ème compagnie d’infanterie dont on ne peut assurément pas ressortir indemne. C’est violent, c’est cru, c’est réaliste, c’est la vie et c’est aussi et surtout la mort.

Folies Bergères, un album magistral aux couleurs de l'enfer !


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Un énorme merci à ma petite fleur du sud-ouest pour cette magnifique découverte. 

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Citations:

"- Le grand beau qui porte bien...lui avait tendance à couvrir d'un peu trop près les arrières des plus jeunes de ses camarades de bataillon...si tu vois ce que je veux dire ! 
 - Peuchère ! Il y a des choses plus agréables à se prendre dans le cul qu'un obus !" 

"- Je dois vous avouer Verrat, que je m'attendais à autre chose. Je veux dire...c'est plutôt calme. Difficile de croire que nous sommes sur le front.
 - Ma femme aussi avant de me balancer des casseroles à la tête, elle est "plutôt calme"." 

"- Les gravures, c'est comme les photos: ça ne transmet pas les odeurs. L'odeur des cadavres, celle de la peur...et cette odeur que vous dégagez quand vous défoncez à coups de crosse le crâne d'un pauvre allemand qui ne vous a rien fait, "un gamin, pas même 20 ans", et que ça vous fait...que ça vous fait bander." 

"- Pleure mon gars ! Tant qu'on pleure, c'est qu'on reste humain."



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