dimanche 30 juin 2013

Blast 1. Grasse Carcasse

Manu Larcenet

Dargaud
ISBN 978 2205 06397 4
204 pages
2009

(Lecture partagée avec Cristina)


Quatrième de couverture:

Je pèse lourd. Des tonnes. Alliage écrasant de lard et d'espoirs défaits, je bute sur chaque pierre du chemin. Je tombe et me relève, et tombe encore. Je pèse lourd, ancré au sol,écrasé de pesanteur. Atlas aberrant, je traîne le monde derrière moi. Je pèse lourd. Pire qu'un cheval de trait. pire qu'un char d'assaut.

Je pèse lourd, et pourtant, parfois, je vole.

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Mes impressions: 

Polza Mancini, 38 ans, plus ou moins écrivain, est en garde à vue. Il est interrogé pour que soit faite  la lumière sur… Sur quoi au juste d’ailleurs ? Un acte commis à l’encontre d’une certaine Carole mais quel acte exactement, le mystère demeure…



L’homme dérange parce qu’il dénote. Il est obèse, monstrueusement obèse. La différence dérange, c’est bien connu. Mais que cache cette énormité choquante, dérangeante ? Qu’est-ce qui peut  pousser un individu à vouloir disparaitre sous une telle chape de gras ? Pourquoi s’infliger ça ? Quel peut-être ce mal, ce désespoir qu’il contient sous cette carapace éléphantesque ?

Les policiers tentent de le faire parler, de comprendre, mais font-ils le poids pour mener l’interrogatoire face à ce  suspect au physique et à la personnalité hors normes ?…

Son récit nous permet de découvrir son existence marginale, ses déambulations, ses errances. Un univers sombre, tragique, désespéré, peuplé de personnages protéiformes, de gueules cassées, d’individus en marge, abimés par la vie. Et bien sûr, il est question du blast…

Manu Larcenet nous livre un récit et des dessins déroutants, oniriques, désenchantés, entre poésie et tragédie,  transcendés par une atmosphère sombre, beaucoup de noirs et de gris, mais qu’il parvient à ne jamais rendre totalement pesante ou désespérante. Contre toute attente, il nous ferre, l’empathie fonctionne et une seule envie nous habite, se jeter voracement sur la suite.

Blast de Manu Larcenet, comme une explosion de sentiments entremêlés…
 


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Citation:

"- Je ne le sens pas ce type...
- Pourquoi ?
- C'est toute cette graisse qu'il se trimballe...ça...ça me dégoûte... T'as pas vu ?! Ça ballotte dessous ses bras... Je suis sûr qu'il a des seins, tiens ! Arh ! Rien que d'y penser... Arrête de rigoler ! tu te rends compte à quel point il faut se détester pour s'infliger ça ?!"



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samedi 29 juin 2013

Quartier Lointain - L'intégrale

Jirô Taniguchi
Adaptation de Frédéric Boilet

Casterman
ISBN 978 2 203 03036 7
406 pages
1998 / 2010

(Acheté sur Priceminister)


Mes impressions: 

Il y a des jours comme ça où rien ne se déroule vraiment comme prévu. Hiroshi, bon père de famille de quarante-huit ans va en faire l’étrange expérience. Alors qu’il pensait être dans le train pour Tôkyô, il se dirige en fait vers Kurayoshi, sa ville natale, sans bien comprendre comment il a pu se tromper. L’abus d’alcool de la veille semble être l’explication la plus plausible. Les souvenirs remontent à la surface, son passé, ses jeunes années, sa mère. Sans l’avoir vraiment voulu encore, il se retrouve dans le cimetière du temple Genzen où repose sa mère. « Pas un souffle de vent… Pas le moindre chant d’oiseau… Ça m’a tout de même paru étrange. Le temps semblait suspendu… » Le temps d’un battement d’ailes de papillon, mille et une questions affleurent. Sa mère a-t-elle été heureuse ? Qu’est devenu son père après s’être volatilisé sans la moindre explication ? Tout se bouscule dans son esprit confus... Une légère brise qui fait bruisser les feuilles des arbres, une sensation singulière, inexplicable et Hiroshi se retrouve propulsé dans son corps d’adolescent de quatorze ans.

Retour inopiné vers le passé, dans le quartier de sa jeunesse, mais en ayant toute conscience de l’invraisemblance, de l’impossibilité de la chose. Comment expliquer l’inexplicable ?...  Le bonheur de retrouver des personnes disparues est douloureusement atténué par le fait de savoir qu’on finira par les perdre à nouveau. A moins que ? Et si le passé pouvait être modifié ?  Recommencer sa vie en sachant tout ce que l’on sait est un fantasme assez répandu, fantasme devenu réalité pour Hiroshi. Changer le cours des choses. Revivre ses premiers flirts. Empêcher son père de disparaître ou au moins en comprendre les raisons...

Finesse du trait, noir et blanc parfait, nuances de gris étrangement lumineuses, finesse des sentiments, psychologie des personnages parfaitement maitrisée, nuance des sentiments exprimés et des expressions des visages à aucun moment figées ou monolithiques. Avec ce Quartier Lointain,  Jirô Tanigushi est au meilleur de sa forme, au sommet de son art.

Malgré son épaisseur et son poids, ce roman graphique ou ce manga, peu importe, nous emporte et nous transporte, avec la légèreté d’un battement d’ailes de papillon…

 
 

Extraits:

"Toute la tristesse...toute la solitude du monde étaient dans son étreinte. Une femme en larmes... Sa poitrine amaigrie pressée contre la mienne... Dieu que c'était douloureux ! Doucement...je l'ai prise dans mes bras..."

"Non mais ça va pas la tête !?! Tu vois Tomoko en maillot de bain, et tu perds tous tes moyens ? Derrière ma raison d'homme de 48 ans...il y avait un autre moi-même, qui espérait quelque chose... Continuer une relation de rêve avec Tomoko... Aller plus loin...La réalité, celle de l'adulte que j'étais, semblait s'effacer, comme s'effacent les souvenirs lointains. Je ne retrouverai sans doute jamais le monde d'où je viens..."

 

jeudi 27 juin 2013

Suicide Island - Tome 5

Kouji Mori

Kazé Éditions
ISBN 978 2 82030 567 1
224 pages
2012

(acheté Espace Culturel Leclerc)




Quatrième de couverture:

Avec le retour de Ryô dans le groupe, Sei et ses compagnons se montrent de plus en plus soudés... Cependant, l’atmosphère ne tarde pas à se dégrader suite à l’apparition de Nao, une mystérieuse jeune fille dont les mœurs libérées troublent bien des esprits. D’autant que cette dernière traîne derrière elle l’ombre d’un effrayant personnage qui semble avoir goût pour la chair humaine…


☠☠☠

Mes impressions: 

Avec le retour de Ryo au sein du groupe, la vie de Sei et des autres survivants semble retrouver une certaine sérénité. Mais la fragile dynamique du groupe va vite se trouver perturbée par l’apparition de Nao, une jeune femme, dont « le travail », selon ses propres termes, est de se servir de son corps comme d’une monnaie d’échange… Son arrivée au sein du groupe va donc provoquer quelques remous notamment auprès des filles qui ne voient pas cette personne d’un très bon œil.

Entre les affres de la survie sur l’ile, la pêche au harpon et une mémorable partie de chasse aux sangliers, ce cinquième volume semble vouloir traiter de thèmes forts qui sont cependant davantage effleurés que véritablement traités. Outre la prostitution, comme arme de survie, il est aussi question d’identité sexuelle. Celle d’un personnage nous est révélée. Mais je dois reconnaitre que ce ne fut pas une grande surprise car je me posais des questions à son sujet depuis le début. Ce fut donc plus de l’ordre de la confirmation que de la révélation. Enfin, le cannibalisme va être évoqué par le biais d’un personnage qui semble vouloir repousser les limites de l’abjection, la suite nous le dira ou pas.

Surenchère, envie de donner un nouvel élan à l’histoire, volonté de choquer de l’auteur, la question est posée. Malgré tout, on en apprend davantage sur certains personnages secondaires, en retrait jusqu’à présent, ce qui contribue sans doute aussi à l’impression de dispersion. Quoiqu’il en soit, j’ai accroché et je ne me suis pas ennuyé une seconde.

Et si Suicide Island devenait Dérives Island ?...

☠☠☠
 
Citations:

"Il ne faut pas juger les gens seulement sur leur apparence. Surtout sur cette île, les apparences seules...ne permettent pas de comprendre les personnes qui sont ici."

""La civilisation a beau faire des progrès, les hommes ne pourraient pas vivre sans les bienfaits de la nature." Il est important d'avoir conscience de cela, plus important encore que de penser à l'activité économique. Malheureusement, c'est généralement sur cette dernière que se porte toute notre attention. Si cette tendance ne change pas, alors, nous n'avons pas d'avenir."
Kouji Mori 

  

mardi 25 juin 2013

Sukkwan Island

David Vann

Folio
ISBN 978 2 07 044552 3
232 pages
2010

(échangé via www.pochetroc.fr)


Quatrième de couverture:

« Le monde à l’origine était un vaste champ et la Terre était plate. Les animaux arpentaient cette prairie et n’avaient pas de noms. Puis l’homme est arrivé, il avançait courbé aux confins du monde, poilu, imbécile et faible, et il s’est multiplié, il est devenu si envahissant, si tordu et meurtrier à force d’attendre que la Terre s’est mise à se déformer. »

Une île sauvage de l’Alaska, tout en forêts humides et montagnes escarpées. C’est dans ce décor que Jim
emmène son fils de treize ans pour y vivre dans une cabane isolée, une année durant. Après une succession d’échecs, il voit là l’occasion d’un nouveau départ. Mais le séjour se transforme vite en cauchemar…

Sukkwan Island est une histoire au suspense insoutenable, une expérience littéraire inoubliable.

« Sukkwan Island, d’une noirceur maléfique, porte le trouble à l’incandescence. Magnifique. » Télérama
« Le grand roman américain qu’on attendait. » Le Point

Prix Médicis étranger, prix des Lecteurs de L’Express.
Traduit dans plus de cinquante pays.

*****

Mes impressions:

Comment un homme peut-il s’être aussi mal préparé à vivre en totale autarcie sur une île déserte avec son fils de treize ans ? Quand en plus la malchance s’ajoute au dilettantisme, à l’impression que tout se ligue contre eux, le séjour s’avère encore plus éprouvant physiquement et moralement que prévu. Le retour à la nature, initialement évoqué, tourne au cauchemar pour mieux se transformer en aller simple pour le purgatoire. Bienvenue à Sukkwan Island…



La première partie du roman, qui en compte deux, plante le décor, les conditions de vie, et installe la relation entre le père et le fils. Une relation qui semble inversée tant le père semble immature, instable et peu rassurant. La déception et le découragement vont crescendo jusqu’au choc incroyable, véritable cliffhanger, qui vous pousse vers la seconde partie et ne vous laisse aucun répit jusqu’à la dernière page. Véritable descente aux enfers, voyage dévastateur aux frontières du désespoir et de la folie, qui nous conduit vers une issue qui semble irrémédiablement fatale.



Impossible d’en dire plus au risque de trop en dire, sinon que le drame vécu par l’auteur dans son enfance a incontestablement influencé son histoire.  Elle nous donne une idée de toutes les émotions qui ont pu le traverser et le marquer, à cette époque, entre horreur et fantasmes.

Poignant, stupéfiant, addictif, un roman mémorable qui m’a tenu éveillé jusqu’au bout de la nuit.





David Vann
                                                                                                   
 


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