dimanche 25 mars 2018

Le Lieu essentiel - Philippe Claudel & Fabrice Lardreau


Si vous aimez Philippe Claudel, vous devriez aimer ce livre. Si vous aimez la montagne, vous devriez probablement aimé ce livre. Si comme moi vous aimez Philippe Claudel et la montagne, vous devriez vraiment adorer ce livre !

Publié chez Arthaud, dans la collection Versant Intime, dans une jolie édition à la couverture à effet carton recyclé, ce livre d’entretiens avec le journaliste à La Montagne & Alpinisme Fabrice Lardreau est un pur régal. 

Philippe Claudel y évoque sa relation à la montagne depuis son enfance, l’influence des destinations de vacances d’abord et de ses nombreuses lectures montagnardes enfin. Côtoyer les sommets, un rêve de gosse devenu réalité pour un adulte toujours passionné. 

« Je me souviens très bien de ces heures de lecture, dans cette salle peu éclairée, qui sentait la cire, le bois lavé et aussi la poussière. Ce décor balzacien disparaissait. J'étais immédiatement, par la magie du verbe des auteurs de montagne, transporté dans un univers de glaciers et de parois tourmentés. Je respirais l'air des cimes. J'éprouvais la fatigue et la joie. » 

De sa lecture tout gosse de La Chèvre de M. Seguin d’Alphonse Daudet à Glace, neige et roc de Gaston Rébuffat en passant par les Premiers de Cordée de Frisson-Roche, les livres de Primo Levi ou de Mario Rigoni Stern, on découvre sa passion à travers le prisme de ses lectures alpines.

Des correspondances se font jour, comme une évidence, entre alpinisme et écriture, montagne et littérature…

Je vous laisse imaginer le sourire sur mes lèvres en découvrant qu’il a lui aussi rêvé de montagnes à travers ses lectures d’Heidi. D’un coup, je me suis senti moins seul ! ;) 

« Je me souviens que je retrouvais dans Heidi - dont l'auteur, Johanna Spiry, n'est pas autrichienne mais suisse - les impressions que me procuraient ces brèves vacances répétées. J'ai lu et relu ces romans pour enfants jusqu'à l'âge de quinze ou seize ans. Je n'avais pas du tout honte de lire ce genre de livres : ces histoires se passaient en montagne. Ils étaient pour moi des prétextes à quantité de réminiscences et des tremplins pour mes rêveries. » 

Si je suis bien loin d’être un alpiniste chevronné, ce livre m’a replongé dans certaines de mes lectures d’enfance et dans quelques randonnées mémorables durant mes échappées savoyardes, les bouquetins s’en souviennent encore ! La beauté inouïe des paysages, leur diversité à chaque détour de sentiers, les moments de doutes, la sensation de dépassement de soi, la satisfaction de la mission accomplie, j’ai tout retrouvé dans ces quelques pages…

En fin d’ouvrages, plusieurs textes issus de lectures montagnardes dont je retiendrai surtout les quelques vers magnifiques d’un poème consacré au « Mont Blanc » issu d’un ouvrage intitulé Histoire d’un voyage de six semaines cosigné par une certaine Mary Shelley et de son époux Percy.

Une soudaine envie de tutoyer les sommets ? Partez donc à la découverte du Lieu essentiel de Philippe Claudel !



Merci à Babelio et aux Éditions Arthaud !



Mes billet sur Les Âmes grises et Parfums...
ISBN 978 2 0814 1387 0
160 pages
2018
12,50€

dimanche 18 mars 2018

Le Poisson - Ronald Curchod


« je suis le roi de tout ce que je vois » 

Un paysage de montagne automnal, au détour d’une rivière. Caché dans la forêt, un enfant observe la nature.

Ici une grenouille alanguie sur un rocher. Là des cercles concentriques qui se forment à la surface de l’eau. Plus loin, insectes et libellules virevoltant au-dessus de la surface ne se sachant pas observés du tréfonds de la rivière. L’imprudente grenouille qui plonge, elle non plus ne se sait pas observée, par un prédateur tapi dans les profondeurs : Le poisson.

Quand une plume perdue par un oiseau vient effleurer le miroir des eaux, le poisson bondit enfin pour s’emparer de ce qu’il croit être une proie. Raté, ce ne sera pas pour cette fois !

Ce petit manège donne une idée à l’enfant qui court chez lui confectionner une mouche à l’aide de plumes de coq et de poils de lièvre. Armé de son appât, va-t-il parvenir à s’emparer du tant convoité poisson ? Je vous laisse le découvrir…

Un album qui contient très peu de texte, à peine quelques lignes. Toute la force vient du superbe travail de l’auteur-illustrateur Ronald Curchod. Des illustrations à l'acrylique très graphiques, sur lesquelles on aperçoit la trace du coup de pinceau qui donne épaisseur et matière aux couleurs, une dominante de verts, de teintes automnales et de bleus pour l’eau.

Un message écologique intelligent qui montre, par l’attitude de son héros, qu’on peut allier plaisir de la pêche et respect de la faune. Mention spéciale à un très beau moment, quand l’enfant aperçoit son reflet dans l’œil du poisson…


Coup de cœur pour ce magnifique album jeunesse !


ISBN 978 2 8126 1488 0
48 pages
2017
17€

samedi 10 mars 2018

Requiem pour un chat - Olivier Bellamy



« Les larmes sont comme l'amour : inutile de les maîtriser ou de chercher à les analyser, c'est un irrépressible abandon. » 

Olivier Bellamy est, selon moi, un des meilleurs interviewers actuels. Dans son émission « Passion Classique » sur Radio Classique, il reçoit bien entendu tout ce que compte le monde de la musique de compositeurs, chanteurs, cantatrices ou musiciens mais aussi artistes de tous bords, comédiens, réalisateurs, auteurs, etc…

Pendant une heure, il pose de bonnes questions, c’est plutôt rare, et surtout, il écoute les réponses, n’hésitant pas à rebondir si besoin ! Un moment de profondeur et d’intelligence comme on en trouve peu.

Je ne connais rien à la musique, encore moins à la musique classique, mais j’ai toujours grand plaisir à l’écouter en parler. Un  mélange d’érudition, de finesse et d’écoute bienveillante, avec une pointe d’humour bienvenue.

Ma préférence va évidemment à ses échanges avec des auteurs. Chaque fois, j’ai l’impression d’en sortir un peu plus intelligent… Ce n’est qu’une impression, je sais, mais qu’est-ce que ça fait du bien !


Cette longue mais nécessaire introduction m’était indispensable pour vous indiquer ce qui m’a conduit sur le chemin de son dernier livre, désireux de découvrir si sa plume valait son verbe… Autant vous le dire tout de suite, je n’ai pas été déçu.

Parler de la perte d’un être cher, voilà bien qui a déjà été maintes fois traité, lu et relu. Mais parler de la perte d’un être cher quand il s’agit d’un animal, c’est bien plus rare.

Qui parmi nous n’a jamais été affecté par la perte d’un animal familier, d’un chat ou d’un chien ?

Personnellement, je me souviens de la perte d’un chien quand j’étais ado comme d’une des plus sombres journées de ma jeune existence alors. Pour Olivier Bellamy, c’est la perte imminente de Margot, une petite chatte noire au port de reine, normal quand on s’appelle Margot, adorable compagne de ses jours comme de  ses nuits qui lui a inspiré ce récit.

La saveur de son histoire tient aux parallèles que lui inspire sa douleur et qu’il fait avec ses relations avec sa mère, avec la musique de Mozart, avec ses amours, avec sa vie même. 

Requiem pour un chat, un récit empreint d’une douce mélancolie, de sensibilité et d’une sincérité qui ne laissera personne indifférent.

***

"Je rencontre Philippe Claudel pour son livre L'Arbre du pays Toraja, que j'ai adoré. Nous bavardons. Il me demande aimablement sur quoi je travaille. Je lui parle de Margot. Son visage change. Il me dit qu'il a beaucoup pleuré la mort de son chat. "En plus, c'est lui qui nous avait choisis." C'était un chat vagabond qui avait élu domicile chez eux. Il me rappelle ce mot de Jean-Luc Godard : "Avec les humains, on communique, avec un animal, on communie.""

"Quand on doute de l'amour de sa mère, comme ça a été le cas toute ma vie, la bienveillante indifférence que les chats manifestent à notre égard possède la force rassurante d'un repère (un re-père, dirait Lacan). Car on n'est jamais sûr que les chats nous aiment. Ils tiennent trop à leur liberté et à leurs habitudes pour nous signifier leur attachement." 

"Souvent dans les couples [...], les rôles se partagent entre celui qui s'inquiète et celui qui rassure. L'un se veut rassurant (alors qu'il est tout aussi inquiet) parce que l'autre extériorise son angoisse. Chacun exacerbe son sentiment mais pourrait tout aussi bien défendre le point de vue opposé. On ne dit pas ce qu'on pense, on émet l'argument inverse par automatisme, pour rétablir un équilibre fictif qui remplace l'action."

"Qui c'est le père, demande Marius, celui qui donne la vie ou celui qui paye ? Et César a cette réponse inspiré par le ciel : "Le père, c'est celui qui aime.""

"L'amour, c'est peut-être la quantité d'incertitudes sur l'autre qu'on est capable d'accepter. C'est pourquoi l'amour pour les chats est infini, car jamais ils ne perdent leur mystère."

Merci aux Éditions Grasset pour leur confiance !
ISBN 978 2 246 81376 7
269 pages
2018
19,00€

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