lundi 17 juillet 2017

Hollywood ne répond plus - Olivier Rajchman




Épic, mémorable, incroyable, invraisemblable, autant d’adjectifs qui viennent à l’esprit quand on pense au tournage de Cléopâtre de Joseph Mankiewicz. Et en lisant le livre d’Olivier Rajchman aux Éditions Baker Street, on réalise que c’est encore plus inimaginable qu’on le pensait.

Il y a bien sûr le cachet faramineux de son interprète principale, Elizabeth Taylor qui réclama et obtint 1 million de dollars, faisant d’elle la première actrice à obtenir une telle somme pour un rôle au cinéma, somme bien plus importante au final vu tous les multiples avantages qu’elle obtint en sus. Il y a bien entendu la fameuse et très commentée histoire d’amour entre Richard Burton et Elizabeth Taylor qui défraya longtemps la chronique. Les deux amants, mariés au moment de leur rencontres, finirent par chacun divorcer, brisant ainsi deux ménages, s’attirant l’opprobre des bien-pensants en général et du Vatican en particulier. Il y a enfin ce tournage interminable s’étalant, sur plusieurs années et qui, selon la légende, failli conduire la Fox à la ruine. Autant d’éléments connus et souvent ressassés, pour ne pas dire déformés, pour peu qu’on se soit un tant soit peu intéressé à ce film ou à son héroïne.

Là où l’auteur a fait fort, c’est en obtenant de la petite fille de Mankiewicz les journaux intimes du réalisateur rédigés pendant le tournage, une source incontestable et des impressions sur le vif qui donnent une idée de l’ampleur de la tâche. Engagé au pied levé pour remplacer un réalisateur incompétent, Mankiewicz faillit y laisser sa santé.  Il mena une lutte de tous les instants aussi bien avec sa vedette, outre ses nombreux problèmes de santé, les retards et exigences de Taylor dépassant parfois l’entendement, qu’avec les studios qui avaient une idée bien différente du film qu’ils attendaient.

"Elizabeth avait, certes, obtenu des privilèges exorbitants et certaines dérogations, parmi lesquelles un arrêt de travail les deux premiers jours de ses règles. Kenneth Haigh, qui jouait Brutus, se souvenait qu'"elle disait : "Si je dois incarner la plus belle femme du monde, je veux être à mon meilleur."" Pas dupe, Mankiewicz avait dans son bureau un calendrier affichant son cycle menstruel au sujet duquel il ne manquait pas de plaisanter : "Elizabeth, affirmait-il, est une candidate sérieuse u livre Guinness des records ; elle a ses règles toutes les semaines.""

Comment un projet d’une telle envergure pouvait-il être mené à terme alors que le tournage commença avant même que le film soit écrit ? Alors que Mankiewicz réécrivait la nuit, les scènes qu'il tournait le jour ? Alors qu’il rêvait d’en faire deux films et que les studios lui imposèrent de n’en faire qu’un seul ? La magie d’Hollywood me diriez-vous, plus sûrement la volonté farouche d’un homme à mener à bien la mission qui lui a été confiée…

Au-delà du tournage laborieux de Cléopâtre, ce livre est aussi passionnant par le parallèle fait entre ce tournage et celui du dernier film de Marylin Monroe, Something’s got to give. Taylor est alors au sommet de sa gloire, elle impose sa loi, alors que Marylin n’a plus vraiment la confiance de ses pairs. Alors que la Fox cède aux caprices d’une Taylor toute puissante, elle choisit de licencier une Marylin  jugée ingérable et d’en faire un exemple. L’une est une comédienne respectée, l’autre n’est pas vraiment prise au sérieux. L’une a tous les hommes à ses pieds, l’autre est désormais rejetée de toute part. L’une est en pleine ascension, l’autre en plein déclin. Marylin ne résistera plus très longtemps aux impitoyables rouages de la machine hollywoodienne…

"Probablement maniaco-dépressive, Marylin craignait plus que tout d'être atteinte un jour de schizophrénie. Cette maladie dont sa mère était porteuse et qui l'en avait séparée. Peur d'enfant abandonnée, qui la poursuivait et la faisait se réveiller, tremblante, certaines nuits."

Enfin, il y a le tournage du film Le Jour le plus long, grand barnum là-aussi, avec un incroyable casting international, qui fut mené d’une main de maître par Darryl F. Zanuck, réalisateur et producteur. Je me suis dans un premier temps interrogé sur le rapport entre ce tournage et les deux autres. Puis le lien se fait et la cohérence n’en devient que plus évidente. 

Hollywood ne répond plus, c’est une sidérante bataille d’egos hypertrophiés, c’est la lutte permanente entre réalisateurs et producteurs, entre visions artistiques et attentes commerciales, c’est aussi la fin d’une époque qui s’annonce, celle des studios tout-puissants, celle de l’âge d’or hollywoodien.

Au cas où vous n’auriez pas compris, j’ai adoré !


Un grand merci aux Éditions Baker Street !


ISBN 978 2 917559 47 5
413 pages
2017
21 €

20 commentaires:

  1. En lisant ta chronique, je me doutais que tu allais dire : "Au cas où vous n’auriez pas compris, j’ai adoré !".
    Tu vas en inciter plus d'un à le lire.
    Bonne semaine, FLaure

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    1. Tu commences à me connaitre ! ;)
      Bonne semaine à toi aussi FLaure !

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  2. ce livre a évidemment tout pour nous plaire !!! merci bien

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  3. Waou grandiose, tu présentes mon prochhain livre de chevet, merci :)

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  4. A en écrire peu, je sens pourtant ton en-train sur ce livre. Cela fait plaisir à voir, cette grenouille passionnée qui en devient même passionnante avec son histoire de Cléopâtre, film dont bien sûr je n'ai pas vu.

    Merci de ton enthousiasme qui en devient aussi communicatif - comme aux rires dans une soirée arrosée ou aux orgasmes ans une soirée d'orgie - et que je partage par ton avis. Bien sûr, je ne le lirai pas, mais putain ça fait du bien de sentir ton adoration pour le cinéma et Hollywood à travers tes chroniques.

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    1. J'espère en tout cas parvenir à donner, à d'autres, l'envie de le lire... :)

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  5. C'était le livre parfait pour un passionné de cinéma comme toi !

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  6. Tabarouette, difficile de trouver un livre qui pouvait mieux te plaire! Tes cuisses de grenoUille ont dû en frémir d'excitation moi j'dis, tu as dû te régaler.
    Merci de nous partager ta si belle passion <3
    Ah la belle Elizabeth, princesse à ses heures. Afficher sur un tableau le cycle menstruel de la dame, my god, quelle délicate attention.
    Les bonnes manières se perdent.... ^^

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    1. Si l'anecdote n'est pas, je le reconnais volontiers, du meilleur goût, elle est en tout cas assez représentative des excès dont ce film est emblématique...

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  7. Bonjour manU, Ah Liz et ses beaux yeux violets. C'est ce qu'on appelait des stars, des mythes. Il n'y en a plus des comme elle et Marilyn. Bonne journée.

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  8. Tu m'étonnes que tu as adoré ... Moi aussi j'aime ces histoires d'Hollywood et de VIP. On ne s'imagine pas tout ce qui se passe derrière la caméra, une vraie bombe à retardement, un monde de requin, d'actrices prêtent à tout et un brassage de fric énorme.
    On a beaucoup critiqué Marylin mais je vois que Taylor n'était pas mal non plus dans son genre.

    Je reverrai bien "Cléopâtre" ... sous un angle différent pour le coup !

    Merci manU pour ta rubrique cinéma hollywoodien ... J'adore ...

    Slurp <3

    Pou pou pidou pouuuuu ;-)

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  9. Le livre est maintenant dans ma poche en cours de lecture, merci manU :)

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  10. Comme tu t'en doutes, j'ai adoré ! :)

    Le livre a renforcé mon amour pour les films et stars fascinants de cette époque et on voit que ce qui se passait derrière les caméras était parfois aussi dramatique ou bouleversant ou passionnant que devant !!

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